L'Art de la Fugue, BWV 1080 L’Art de la Fugue est consideré comme une des plus grandes constructions musicales jamais réalisées. Une série de quatorze fugues (la dernière reste inachevée) et quatre canons, tous écrits sur le même thème en ré mineur semblerait, à la première vue, n’être qu’ un exercice de style un peu aride. Malgré ces limites, dans les mains d’un compositeur tel que Bach, les aspects monothématiques créent un univers sonore qui est magnifié à travers chaque répétition du thème. L’œuvre est également pleine de mystères, car il n’y a pas d’indications de tempo dans le manuscrit, ni d’instrumentation, ni d’ ordre bien défini des pièces. Après la mort du compositeur, le fils de Bach, Carl Philip Emmanuel a choisi un ordre des pièces dans le but de souligner l’ aspects pédagogique de l’œuvre (comme une sorte de thèse sur l’étude des fugues et du contrepoint). L’ordre utilisé dans cet arrangement respecte l’ordre donné par les héritiers Bach. Malgré cela, il semble probable que cet ordre ne soit pas celui imaginé par le compositeur. Le nom donné par Bach pour chaque fugue dans l’œuvre est « contrepunctus », mais dans le manuscrit autographe, les Canons ne portent pas ce titre : seulement Canone I etc. A la fin de sa vie, Bach s’attacha à superviser l’édition de cette œuvre, dont les plaques de graveur ont été effectuées mais sans que l’ordre défini fut donné. Ainsi, il y a différents cycles de fugues simples : (Contrapuncti 1-4), Contre-fugues (ou fugues avec des strettes - Contrapuncti 5-7), Fugues doubles et triples (Contrapuncti 8-11), Fugues en Miroir (Contrapuncti 16-18) et la triple fugue finale (Contrapunctus 19) qui aurait dû, selon l’hypothèse du biographe de Bach Forkel, commençer une série de fugues triples et quadruples avec, à la fin, une fugue à quatre sujets, chaque sujet traité également en inversion. Selon l’autographe, les canons auraient du séparer ces différents cycles. Un ordre possible, d’après ces données, allant du plus simple au plus complexe serait : Contrapuncti 1-4 : Fugues Simples Canon à l’octave (Contrapunctus XII) Contrapuncti 5-7 : « Contre-fugues » ou Fugues en strette Canon à la dixième (Contrapunctus XIV) Contrapuncti 8-11 : Fugues doubles et Triples (N.B Contrapunctus X Bis, qui est une variation sur les thèmes du Contrapunctus X, n’est pas dans toutes les éditions et pourrait être suprimé événtuellement dans des concerts.) Canon à la douxième (Contrapunctus XIII) Contrapuncti 16-18 : Fugues en Mirroir Canon pour Augmentation en motion contrarire (Contrapunctus XV) Contrapunctus 19 Fugue avec trois sujets A la fin, l’ordre choisi est personnel et subjectif, car il n’y a pas de certitude sur les intentions exactes de Bach. L’affirmation de la mort de Bach survenue pendant la composition de la dernière fugue de l’œuvre, juste après avoir écrit son nom musicalement dans le thème B-A-C-H (Sib, La, Do, Si) n’est étayée d’aucune preuve historique et semble une invention du XIX siècle . Il est pratiquement certain que la dernière fugue était achevée à ce moment et que les pages manuscrites correspondantes ont été d’une manière beaucoup plus triviale, perdues par la sucession Bach. Une analyse graphologique et sur les marques d’eau dans le papier semble indiquer une date de composition probable vers 1740. Dans la première édition, les éditeurs ont tronqué la fin de la musique sur le manscrit pour créer une sorte de cadence. Dans cet arrangement, les deux solutions sont présentées, et l’intérprête est invité à choisir parmi ces deux possibilités. Dans la première édition de l’œuvre a aussi ajoutée, pour compenser le manque de la fugue finale, le choral pour orgue ‘Wenn wir in höchsten Nöthen sein', œuvre révisée par Bach au moment de sa mort. Cette proposition pour éventuellement sympathique qu’elle soit n’est ni nécessaire et encore moins jusitifiée par le choix de l’œuvre ajoutée dont le genre, la tonalité et le style n’ont rien à voir avec le reste de l’œuvre, ajoutons que le fait de joindre une pièce d’orgue à vocation cultuelle tend à induire l’idée que l’Art de la Fugue est destiné à l’orgue et tout ce qu’on peut en déduire. Cette arrangement n’inclue pas ce choral pour cette raison. L’Editeur suggère que, au cours des concerts , les intérprêtes jouent la dernière fugue jusqu'à la fin et s’arrêtent... Malgré les possibles sentiments de frustration de certains auditeurs, il nous semble plus intéressant de laisser l’oeuvre en suspens, que de la terminer d’une manière improbable, et ce d’autant plus qu’on peut aussi imaginer que Bach, laissant à dessein l’œuvre en l’état, nous ferait l’honneur de nous dire : « ...nos auditeurs imagineront d’eux même... » Il y a toujours beaucoup de spéculations sur une possible symbolique des chiffres et sur le contenu philosophique implicite de cette œuvre, avec notamment des hypothèses sur l’appartenance de Bach à une sorte de confrèrie nommée Société pour la Science Musicale animée par un certain Lorenz Mizler, ancien élève de Bach et également élève du philosphe Mathias Gesner lui-même ami de Bach. Il est certain que Bach a fait partie de cette société. Malgré cela, il n’en est devenu membre qu’ en 1747, plusieurs années après avoir commencé L’Art de la Fugue. Il est également certain que Bach par sa fréquentation de Gesner a eu connaissance de l’univers pythagoricien. Mais l’idée que L’Art de la Fugue soit l’expression avérée d’une pensée d’inspiration pythagoricienne n’est pas encore prouvé. Bach utilise des séries differentes de chiffres dans toutes ses oeuvres et ce principe est bien-entendu representatifde cette œuvre. Dans l’opinion de l’éditeur, il est plus intéressant de laisser la musique parle d’elle-même, sans imposer des éléments extérieures à l’œuvre qui n’ont probablement pas de rapport avérés. L’Editeur espère que cette nouvelle version de L’Art de La Fugue sera utile pour permettre aux saxophonistes du monde entier l’accès à cette oeuvres. Pour ce qui est d’un éventuel scrupule à jouer Bach aux saxophones souvenons-nous que nos amis pianistes ont bien raison de n’en avoir aucun, qui jouent le Clavier bien tempéré ou les Variations Goldberg sur de grands pianos de concerts... Paul Wehage 8 septembre, 2003 Lagny-sur-Marne |